Le futur du commerce sera de vendre « moins du plus », soit des petites quantités mais en grand nombre. A en croire le titre d’un ouvrage de Chris Anderson, The Long Tail : Why the Future of Business is Selling Less of More (La Longue Traîne : Pourquoi l’Avenir du commerce est de vendre Moins du Plus), l’avenir du commerce ne réside plus dans les best-sellers et autres têtes de gondoles.
Formulé ainsi, l’avenir peut paraître obscur, mais il s’agit en fait d’une théorie que l’auteur de l’ouvrage a développée pour la première fois en 2004. Ce diplômé de physique, ancien journaliste à The Economist, a depuis publié un blog reprenant les idées clé de sa théorie de la Long Tail parue pour la première fois dans un article du magazine Wired, consacré à l'incidence de la technologie dans les domaines culturel, économique et politique. Le nom peut laisser perplexe ; pourtant, la Long Tail, « Longue Traîne » ou « Longue Queue » en français, désigne un phénomène connu depuis longtemps des statisticiens. Mais Internet y a mis son grain de sel et a offert à cette théorie économique l’occasion de prendre toute son ampleur.
L’expression « Long Tail » fait référence en fait à un essai de Clay Shirky, intitulé Power Laws, Weblogs and Inequality (Les lois du pouvoir, les weblogs et l’inégalité). Si le titre n’éclaire pas davantage, le contenu, en revanche, explique parfaitement le phénomène de la Long Tail. En somme, le principe est simple. Et parfaitement adapté à Internet et à sa constante expansion. La Longue Traîne désigne l’ensemble des produits des fonds de catalogue qui se vendent en proportion réduite mais dont la somme des ventes pourrait collectivement dépasser la vente des produits les plus vendus.
Ainsi, avec le système de liens pointant vers certains sites ou grâce à une visibilité plus efficace sur Internet, certains produits faisant l’objet d’une faible demande ou n’ayant qu’un faible volume de vente peuvent collectivement représenter une part de marché supérieure ou égale à celle des best-sellers, si les canaux de distribution peuvent proposer assez de choix. Or, force est de constater qu’ils le peuvent. D’où le succès de Wikipédia ou d’Amazon.
C’est donc sur ce principe que s’appuie la Long Tail, et dans son article de 2004, paru dans Wired, Chris Anderson décrit pour la première fois les effets économiques présents et futurs que la Longue Queue créé.
Le phénomène est en plein essor car particulièrement adapté au modèle de distribution proposé par la Toile. Coût de mise en ligne des produits supplémentaires marginal, étalages virtuels des sites de commerce en ligne infinis…contrairement aux magasins « réels » qui ne proposent que les meilleures ventes afin de rentabiliser au maximum l’espace, Internet offre une plus grande diversité. Ce système « permet d’associer un produit rare à une audience », comme l’explique Mihai Crasneanu, le PDG du loueur américain de DVD en ligne Glowria.fr.
Cependant, l’effet Long Tail n’a vraiment de sens qu’à partir d’un certain nombre de produits disponibles. Jean-Baptiste Rudelle, fondateur de Criteo, un moteur français de recommandation personnalisée, estime « qu’il y a un effet Long Tail à partir de 500 références ». Or, des sites comme Amazon ou le loueur de DVD américain Netflix en proposent plusieurs dizaines de milliers ! Une offre trop riche pour que les internautes puissent la parcourir entièrement…là réside le véritable enjeu de la Long Tail : comment trouver le bon produit ? Comment faire le bon choix ?
Jean-Baptiste Rudelle explique que si « l’objectif est de favoriser l’achat d’impulsion des internautes en leur suggérant des produits qu’ils ne connaissaient même pas, mais qui répondent à leurs attentes », « les internautes doivent aussi comprendre pourquoi tel produit est recommandé plus qu’un autre, sans quoi, la proposition pourrait paraître suspecte ».
Pour exploiter au mieux la Long Tail, les commerçants de l’Internet bénéficient d’outils techniques qui filtrent les produits en fonction de critères objectifs, par exemple, les catalogues qui proposent parfois des « short lists ». Cela suppose en contrepartie que l’acheteur sache exactement ce qu’il recherche. Ils bénéficient aussi d’outils nouvelle génération reposant sur une analyse du comportement et du profil des internautes. Le moteur Criteo est ainsi capable de mesurer un taux d’affinités entre les internautes selon leur historique d’achat ou leur comportement pour suggérer de nouvelles références.
La théorie de la Long Tail creuse un peu plus son sillon, à en croire les résultats de certains sites. Pour le site Glowria, par exemple, cette théorie fonctionne parfaitement. Selon son PDG, M. Crasneanu, « 95% des 13 000 titres proposés sont loués au moins une fois par mois ». A cela s’ajoute un effet de fidélisation et de satisfaction dont les commerçants ne profitent pas toujours en dehors du net.
Aujourd’hui, il semble que le futur du commerce tel que l’envisage la Long Tail réponde à une logique toute différente de celle des têtes de gondoles que privilégient nos magasins physiques. Les adeptes de la Long Tail, au contraire, parient sur un marché de niches à exploiter.